Cercle Zetetique

Prix Charlot 1998
Annexe A : Yves Lignon


Les drôles de pratiques de Monsieur Lignon, Charlot d'Or 1998 !

Rappeler ou signaler les nombreuses pratiques critiquables d'Yves Lignon, c'est s'exposer à se voir reprocher par lui de s'en prendre à la liberté de penser, d'être des inquisiteurs/dictateurs, et je passe sur les autres insultes ("débiles", "scepticons", "petits cons", etc...) Rappelons donc quelques faits :

  • Personne ne demande qu'il soit interdit de parole ;
  • Il reste membre de l'Université ;
  • Ses livres sont publiés chez des éditeurs importants ;
  • Ses émissions sur Sud Radio sont suivies par des dizaines de milliers d'auditeurs ;
  • Il est souvent contacté par les media...

En se plaçant en victime, il décale le débat afin de ne pas répondre sur le fond. Notre association (350 adhérents) ne serait pas gênante pour lui si elle n'amenait pas des éléments solides et dérangeants. Lesquels ? En plus des trois faits ayant justifié sa nomination au Prix Charlot, vous avez pu lire le dossier Vailhauquès (mensonges, fabrication d'un faux document...) ; Vous avez découvert comment il se plante sur le "Suaire de Turin" et comment il détourne le sens des déclarations de Broch (Les piles de Bagdad)...

Voici donc quelques autres exemples.


Reprendre une histoire sans la vérifier.

Pour parler de l'astrologie (LIGNON 1996), il ressort du placard les travaux du "polytechnicien Paul Choisnard" qui ont donné des "résultats curieux". En effet, tellement curieux et le fruit d'expériences tellement mal menées (voire pas décrites) que même les astrologues n'évoquent plus Choisnard que pour avoir introduit l'approche statistique dans le domaine de l'astrologie, et non pour la qualité de son travail. Heureusement, Yves, statisticien, est là... Mais il peut faire beaucoup mieux.

Galipolli : là, un jour d'août 1915, un régiment entier aurait été enlevé par un nuage. Si, si. Lignon en est tellement sûr qu'il va reprendre cette histoire dans son livre Quand la science rencontre l'étrange (1994b). Mieux, il la donne comme l'exemple type de l'histoire vraie et mystérieuse en quatrième de couverture ! Et attention, ce qu'il raconte, ce n'est pas n'importe quoi. Il précise dans son introduction : "...ce sont justement des cas dans lesquels le doute n'est plus possible qui font l'objet de ce livre." (p22) Plus possible, le doute ? Pour le croyant, sans doute.

La lecture d'un article intitulé Le nuage qui enleva un régiment à Gallipoli, dans Science et Vie n°777, juin 1982 (soit 12 ans avant la publication du livre de Lignon...) aurait permis à notre "professeur" d'éviter cette bourde monumentale et révélatrice. Cet article est donné dans la bibliographie de Le paranormal, d'Henri Broch. Ou, plus avant, les écrits de Paul Begg dans la revue « Inexpliqué » (revue par fascicules publiée par les éditions Atlas en 1981), Volume IV, n° 37, p 730-733.

Il a fallut que Michel Granger, un membre du GEEPP (groupe de Lignon) s'émeuve et publie un rappel des faits dans la revue Enigma (avril 1996), pour que Lignon prenne conscience de sa bévue. Depuis, il a placé le texte de Granger sur le serveur web du GEEPP et promis de changer le chapitre consacré à Galipolli lors de la prochaine édition du livre... Bien, mais un peu tard pour éviter les crises de rires chez le lecteur averti. Revient à ma mémoire l'argument du "vous ne connaissez pas le dossier"...


Prendre un témoignage pour argent comptant

Trencaville : cette petite ville située à moins d'une heure de Toulouse aurait été le théâtre d'un phénomène de hantise qui aurait duré de 1977 à 1980. Lignon classe cette histoire parmi celles au sujet desquelles "le doute n'est plus permis..." (Lignon 1994b). Le seul problème, c'est qu'il n'y a qu'un seul témoin : la personne à qui ces phénomènes seraient arrivés, et qui vient le raconter à Lignon dix ans après ! Se pose la question de la valeur du témoignage, laquelle est vite balayée par le directeur du LPT : "Et pourquoi donc mentirait-il ? Nous sommes bien à Trencaville, pas à Tarascon." (page 187). Surtout ne pas rire.

Il est comme ça, Yves. Et ça lui joue des tours. Lorsque messieurs Bezecourt et Bouret, deux rationnalistes toulousains s'amusèrent à téléphoner à l'émission de Sud Radio (où Lignon est l' "expert" de service) pour raconter une fausse histoire de vision, il affirma, après avoir longuement tergiversé sur la PES, que ce témoignage est "très sincère". On en rit encore. (Emission Le secret du mytère, diffusée le 14/5/97). Yves Lignon refusera que cet épisode soit écouté en public (il faut dire que les caméras de Zone Interdite, émission diffusée par M6, étaient présentes)...


Omettre des éléments essentiels mais gênant

Pour traiter le cas Geller, Lignon évoque les expériences du SRI, et leur publication dans Nature, comme des faits sérieux et solides. Dans aucun des ouvrages de monsieur Lignon, les faits suivants ne sont évoqués :
  • Harold Puthoff, l'un des deux auteurs des expériences, a le grade d'opérateur Thetan Classe III dans l'Eglise de Scientologie, secte bien connue qui promet à ses membres de développer des pouvoirs du type télépathie/psychokinèse...
  • Un nombre élevé de scientologistes travaillaient au Stanford Research Institute lors des tests Geller.

Il ne faudrait pas troubler le lecteur... (Articles qui démontent ces travaux : Marks D., Kammann R., 1978. Information transmission in remote viewing experiences. Nature, 274, p. 680-681. Voir aussi Grinou P., 1975. Uri Geller au Stanford Circus. La Recherche, 53, p. 182-185.)

Autre exemple d'omission "qui tombe bien" : Dans les réactions aux expériences de Jean-Pierre Girard avec Crussard et Bouvaist, Lignon précise que celles-ci ont provoqué des réactions critiques (il parle en fait de "lanceurs d'immondices" qui "hurlaient"...), mais que l'"on a ignoré que certains, même à l'Académie des sciences, pensaient différemment "; ainsi de Jean-Jacques Trillat déclarant : "Ces expériences ont été effectuées avec une grande rigueur scientifique." (L'autre cerveau, p. 225) Cependant, il aurait été préférable (et pas vraiment plus long) de citer la phrase complète de Trillat :

"Je peux assurer que ces expériences ont été effectuées avec une grande rigueur scientifique, de façon à éliminer autant que possible toute tricherie ; cependant, plusieurs d'entre elles n'ont pas convaincu, car il reste toujours la possibilité d'un truquage."

Ce qui est gênant doit disparaître...


Donner des informations fausses

"A l'actif de Geller figurent (...) les tests sur cuillers et anneaux métalliques, réalisés notamment par l'US Navy sous la direction de l'ingénieur Eldon Byrd..." (Lignon 1996, page 26)

Lire Au coeur de l'extra-ordinaire (Broch, Ed. Horizon chimérique, 1991), pages 219 à 223 pour voir à quel point la liaison US Navy/Geller est mensongère : Geller n'a jamais travaillé avec l'US Navy !. Mais la tentation de l'argument d'autorité est toujours très forte chez Lignon.

Dire, après un test négatif, qu'une personne est un voyant d'exception Lignon teste Maud Kristein, voyante parisienne. Résultats "mitigés". Cela n'empêche pas Lignon d'écrire :

"En définitive, tout ce que je sais de Maud Kristein à travers ses déclarations publiques, son livre et nos rares rencontres m'amène à penser qu'elle est probablement une "voyante" de qualité rare, ou alors ce n'est pas à la parapsychologie scientifique que je m'intéresse depuis vingt ans mais à la pataphysique du dodécaèdre à face étoilée."(Lignon 1992 p 164)
Il ajoute cependant qu' "il ne s'agit que de ma conviction et si, en matière scientifique, conviction ne vaut pas preuve, elle constitue tout de même une sérieuse incitation à chercher."

Plus tard (LIGNON 1994a), il explique que ses "relations avec Maud Kristein sont marquées par une confiance mutuelle réconfortante..." Dans ces conditions, est-il étonnant d'apprendre qu'en 1996, Lignon a annoncé avoir testé avec réussite Maud Kristein ?


Orienter l'avis du lecteur pour transformer un résultat creux en succès

"Expérience" de voyance sur RMC. On tire un nom de ville parmi une dizaine : il s'agit de Séte. Les auditeurs sont appelés à se concentrer sur ce nom. Dans le studio, trois personnes, parmi lesquelles une voyante, qui n'ont pas connaissance du tirage doivent dire quel mot leur vient à l'esprit. La première : rien. La deuxième : un pont. la troisième : football. Combien de villes possèdent une rivière avec un pont ? Et combien ont un club de foot qui, à un moment de leur histoire, a marqué une saison ? Cela ne serait pas très probant, même pour un lecteur crédule. Heureusement que dans sa description (LIGNON 1992 pages 158 à 160) Lignon a pris soin, avant de donner le résultat, d'évoquer ce que lui rappelle la ville de Séte : le premier club de foot à avoir gagné en 1934 Coupe et Championnat de France... Et puis ces bassins, ces quais et...ce pont, près de la gare... Bon sang, mais c'est bien sûr : le football, le pont...

Se sentant un peu léger sur ce coup, il précise "... je sais bien qui dira qu'en racontant je triche, etc... Mais par la chandelle verte qu'espèrent-ils ces gens là ? Ignorent-ils que pour se débarasser de certaines limaces il suffit de laisser couler leur bave : elles finissent par se noyer dedans." Ça c'est de l'argumentation scientifique  !


Monter des protocoles légers

(LIGNON 1992, p 353) Tournage d'une émission télé de Roger Pic avec JP Girard. Après trois heures de tentatives infructueuses, Girard réussit à déplacer quelques objets "par télékynésie". Lignon : " Nous n'allons pas discuter pour savoir si nous avions songé à tous les dispositifs de contrôle car là n'est pas vraiment la question." Et si, c'est la question, monsieur le "parapsychologue scientifique"...

Bon. On stoppe ici. Mais nous aurions pu nous amuser à comparer ce qu'il exige des autres et qu'il n'exige pas de lui ; ce qu'il approuve comme attitude...lorsqu'elles ne le visent pas ; comment il se pose en victime permanente ; nous amuser de sa déclaration où il se porte "garant de l'honnêteté" de son ami Jacques Pradel, à qui l'on doit quand même de drôles d'attitudes dans les affaires "Roswell" et "Carpentras"... Nous aurions aussi pu décrypter un peu plus ses écrits, véritable mine dont le filon n'est pas prêt de se tarir. D'autant plus qu'il continue de l'alimenter...

Mais nous finirons sur une note plus douce. Yves Lignon dénonce parfois des charlatans. Et a peut-être été critiqué au moins une fois (par M. Rouzé) à l'aide de mauvais arguments. Mais n'ayant pu vérifier sa version, je laisse ce point avec un point d'interrogation. Mais cela est aussi vrai d'Elisabeth Teissier (qui dénonce les charlatans et a pu faire exceptionnellement l'objet d'attaques à l'aide de mauvais arguments).

Parcequ'il induit nombre de personnes en erreur, nous continuerons donc à dénoncer les pratiques douteuses de Yves Lignon.

A suivre...

Laurent Puech


Références

  • LIGNON Y. (1988a). Rapport de l'intervention du 30 au 31/1/88 remis à la gendarmerie.
  • LIGNON Y. (1988b). Note sur la procédure d'observation mise en place au "Mas de la Coste" à Vailhauquès les 10 et 11 février 1988. Rapport remis aux gendarmes.
  • LIGNON Y. (1988c) Historique, réflexions et commentaires portant notamment sur certaines erreurs commises. Journal Français de Psychotronique, Vol 1, N°3.
  • LIGNON Y. (1992) L'autre cerveau, Ed. Albin Michel, 1992.
  • LIGNON Y. (1994) Introduction à la parapsychologie scientifique, Ed. Calmann-Lévy, Paris.
  • LIGNON Y. (1994) Quand la science rencontre l'étrange,
  • LIGNON Y. (1996) Les phénomènes paranormaux. Ed. Milan, Toulouse.
  • LIGNON Y. (1998) Les dix ans d'une étrange (sic) histoire ou... Vailhauquès 1998. 8/2/1998. Disponible sur le serveur internet du GEEPP (http ://members.aol.com/geeppfb/vailhau3.htm)